Publié le 06/01/2020 par Gauthier Blanchet
Les vignobles de Serbie. Une découverte passionnante
Au sud de Belgrade, deux domaines viticoles ont attiré mon attention et susciter mon étonnement. Méconnus en France pour le moment, la qualité de leur production fait que d’ici peu vous entendrez parler d’eux.
Le vignoble Janko
Juché sur la terrasse de son domaine, Dragan Janko contemple fièrement les rangs de vignes qui descendent en ondulant vers la courbe du fleuve. En contrebas, le Danube, plus long fleuve de cette partie de l’Europe, coule majestueusement ses flots à la couleur si caractéristique. Au-delà, s’étale à perte de vue une forêt dont le caractère sauvage contraste avec les coteaux soigneusement taillés. Est-ce d’ailleurs la proximité du fleuve qui donne aux vins du domaine Janko ses notes acidulées si caractéristiques ?
A quelques kilomètres de là, Smederevko est une ville Serbe très active, au trafic intense et aux étals bien fournis en cette saison. C’est cette ville qui a donné son nom aux cépages ancestraux cultivés au domaine Janko. On ne trouvera d’ailleurs le délicat raisin blanc Smederevka que dans cette région de la Serbie, ou il est cultivé et préservé.
Plusieurs fois médaillé aux foires Decanter de Londres, ce vin blanc nous a plu par ces arômes d’agrumes et cèdres et son nez très délicatement parfumé. Le créateur de ce vignoble de 16 hectares nous propose d’ailleurs la délicieuse pita serbe au fromage, avec laquelle son vin se marie divinement bien. Car Dragan Janko a parcouru un long chemin depuis 1992, date de la constitution de son domaine. Si les vignes sont plusieurs fois centenaires dans cette partie de la Serbie, la chute de la Yougoslavie a donné l’occasion à certains viticulteurs de racheter progressivement quelques parcelles voisines et de s’agrandir. Mais la production de vin, tout d’abord réservée au cercle familial et amical, n’a été commercialisée que depuis 2005. Un long chemin a été parcouru depuis, comme en témoignent les cuves flambant neuves, le recours à un wine maker professionnel), et le passage à un mode de culture biologique.
Une autre fierté : le cépage Bas prokupac – ‘le Prokupac, authentique en Serbe’-, est un mono cépage de cette vigne ancienne qu’est le Prokupac. Même si cette variété est trouvée ailleurs en Serbie, seule le domaine Janko l’élabore et le commercialise sans assemblage, et peut donc se targuer d’être en monopole sur ce label. Ce rouge généreux, puissant et légèrement boisé, a été vieilli dans des barriques de chênes slovène, dont on dit que les fibres resserrées et l’absence de tanins le compare volontiers au chêne français. Malheureusement pour nous, cette production presque confidentielle de 5000 bouteilles est pour l’instant intégralement commercialisée sur le marché américain.
Si certains, à l’instar de Dragan, choisissent de ne pas grandir, d’autres ont au contraire fait le pari de la forte notoriété et sont ainsi devenus les fers de lance de l’expertise Serbe dans le domaine viticole.
Le domaine d’Aleksandrovic, à 50 kilomètres à vol d’oiseau du vignoble précédent, règne sur la région viticole de Topola, la toscane serbe. Entouré de coteaux et de bois, le domaine s’étend sur 75 hectares et reste d’ailleurs le plus gros producteur de Serbie. Ici, les installations flambant neuves permettent de faire sortir 300 000 bouteilles par an, reprenant les procédés de vinification dignes des meilleures maisons françaises. Y sont vinifiées, maturées et mises en bouteilles plus de 21 étiquettes de vins blancs, rosés, rouges et pétillants provenant exclusivement des vignes du domaine.
C’est par exemple le pétillant Triumph d’Aleksandrovic qui ornent les tables des « apparthotels » Zetler, notre chaude recommandation pour un logement chic et abordable au cœur de la capitale Serbe. Ce Triumph 100% chardonnay sec, d’une belle élégance, est largement consommé sur place ou exporté en Russie où il a réussi à se substituer aux champagnes français beaucoup moins abordables. Le Triumph d’Aleksandrovic suit exactement le même procédé de fabrication que le champagne. Les bouteilles sont placées sur des présentoirs et sont ainsi tournées régulièrement une par une, afin que les lies se déposent et soient extirpées par la suite.
Il faut bien mesurer le chemin parcouru depuis deux décennies par la viticulture en Serbie. Si le vin y est produit depuis des siècles, c’est la chute du mur et la fin de la guerre qui s’en est suivie qui a permis de procéder à des regroupements de parcelles qui jusqu’alors ne produisaient qu’un vin local de qualité moyenne. Aucune crainte que ce changement d’échelle ne se fasse au détriment de la qualité : c’est au contraire cette modernisation qui a permis à des vignobles tels que celui d’Aleksandrovic de faire appel à des wine maker internationaux et à disposer des équipements derniers cris.
La Serbie peut prendre ainsi son rang au sein des nations viticoles européennes.
Gauthier Blanchet
www.vinarijaaleksandrovic.rs
www.podrumjanko.com
